Le Petit Poucet de Charles Perrault a été écrit au XVIIe siècle, une époque très dure où se sont succédés le froid, la famine, et pour ne rien arranger, bien souvent la guerre.

Les faits dont nous parle ce conte ont sûrement dû se produire parfois. Des enfants étaient abandonnés, perdus dans la forêt ou plus vraisemblablement au porche d’une église. Mais le symbolisme dont je vais vous parler va au-delà de ce postulat. Nous allons essayer de le transcrire avec nos valeurs actuelles, de voir comment ce héros de petite taille a su transgresser certaines peurs pour atteindre des objectifs de survie.

Nous devons tous, à un moment donné, et plus particulièrement la jeune génération, nous affranchir du soutien financier familial afin de trouver notre propre voie professionnelle. Certains s’inspireront et seront portés par les modèles familiaux, d’autres devront trouver leur chemin en le balisant de petits boulots, de stages et d’alternances pour amorcer leur voyage initiatique sur le marché du travail. Cela souvent s’inscrit dans une logique financière qui est de devoir subvenir en partie au financement de ses études ou valider un cv en le jalonnant de quelques petits boulots et incontournables stages et alternances pour valider un cursus ou montrer sa pugnacité à appréhender le monde.

Un soir en lisant l’histoire à l’un de mes enfants, je n’ai pu m’empêcher de faire le parallélisme entre les étudiants et le Petit Poucet, retrouvant au cours de son périple les freins et réticences inhérentes à chacun d’entre eux.

Ce Petit être, qui se dépasse à chaque instant pour surmonter de nouvelles épreuves, est comparable aux jeunes d’aujourd’hui qui éprouvent de nombreuses difficultés à s’épanouir dans la situation économique actuelle.

POUCET ou une certaine philosophie de vie

L’initiation a toujours le même but : passer d’un état à un autre, plus fort, plus grand. Le passage de l’ignorance à la connaissance, de l’ombre à la lumière, au travers d’épreuves, traduit en bonne partie les appréhensions à se comporter de telle ou telle manière en suivant des codes quand ils se retrouvent confrontés au marché de l’emploi.

La forêt est l’antichambre, la réalisation de ce voyage initiatique pour notre héros, elle est la solitude et le danger. Au préalable, le Petit Poucet, nommé ainsi à cause de sa petite taille (parallélisme que nous pouvons faire avec un jeune face à ses pairs dans un environnement assermenté) a connaissance de l’abandon et anticipe le fait de se perdre en ramassant des petits cailloux blancs dans un premier temps et en égrenant des miettes de pain dans un second.

Ces petits cailloux sont les repères des étudiants, ces petites actions (comme postuler à de nombreux postes, multiplier les entretiens, développer un réseau) qui vont leur permettre à un moment donné de se retrouver. Ces jalons pourront éventuellement ou non les conduire à atteindre les premiers objectifs et les mises en relations qui pourront les aider à se construire, à mieux cheminer dans leur construction dans le contexte économique et financier.

Déconvenue du « Petit Poucet » qui peut être celle du jeune refroidi par ses premiers refus par manque d’expérience mais la nature l’aide à accomplir cette épreuve de séparation. La nature, force invisible, sont ces oiseaux qui mangent les morceaux de pain.

Des choix de vie en parcours initiatique.

Le « Petit Poucet » est le premier à voir une lumière, il ne sait pas que la maison vers laquelle il amène sa fratrie est celle d’un ogre. Beaucoup d’étudiants n’osent pas faire ce premier pas, ne se sentant pas légitimes parfois, inexpérimentés ou trop introvertis et timides pour franchir le pas. Cette première opportunité, ce premier entretien, ce premier contact peut être assimilé à la porte de l’ogre, nul ne peut présager des premières rencontres, celles-ci peuvent être très prometteuses ou plus rebutantes, le tout est de bien savoir les appréhender. Cela peut se limiter à de simples refus ou à de premiers échecs mais qu’importent ces échecs, la force viendra de la meilleure façon de les surmonter.

Accueillis par la Mère, la femme de l’ogre, déesse protectrice, ils sont alors dans la maison de l’ogre, il y a bien sûr une analyse historique dans ce conte mais mon but aujourd’hui est de le transposer à notre époque. Dans cette maison cohabite le bien et le mal en la personne de l’ogre et de sa femme à l’image maternelle d’où la dualité à laquelle souvent nos jeunes se retrouvent également confrontés. Vais-je aller en amphi demain matin et continuer mes démarches de travail ou vais-je faire d’autres choix plus en dilettante ? Certains ont la faculté d’allier les deux. L’arrivée sur le marché de l’emploi atténuera le deuxième volet par définition peu compatible.

L’ogre influencé par sa femme ne dévorera pas les enfants et les couchera auprès de ses filles retardant au lendemain cet objectif. L’ogre aimait donc déjà bien procrastiner ! Poucet et ses frères se retrouvent confrontés à un schéma sociétal classique. Les filles de l’ogre sont riches, eux pauvres. D’où son subterfuge d’échanger les couronnes d’or des filles contre les bonnets de ses frères. Soyez comme le Petit Poucet : trouvez des alternatives, des biais, des ruses pour être celui qui sera le plus malin et saura se démarquer.

Les bottes de sept lieues : votre arme fatale

Pour échapper à leur funeste condition, il ne reste qu’une seule et unique alternative au « Petit Poucet » : réaliser un exploit et voler les bottes de sept lieues. Les bottes de sept lieues représentent le pouvoir car c’est la maitrise de l’espace, donc du temps et de la connaissance. Il s’agit d’oser, de vaincre ses peurs, de ne pas juger irrationnel tel objectif et de se donner les moyens d’arriver à un objectif final.

Plus nous oserons parer nos bottes de sept lieues, plus nous nous mettrons psychologiquement en position de déplacer des montagnes et d’atteindre des buts parfois même au-delà de nos propres espérances.

Souvent vous vous dîtes « nous sommes trop jeunes, nous n’avons pas de légitimité et on ne nous entendra pas ? », à quoi souvent vous devez comprendre que vous n’êtes jamais assez jeune pour être maître de votre propre vie et dépasser vos appréhensions. Surmonter ces dernières sera votre plus grande victoire, parfois il faudra chausser vos bottes de sept lieues juste pour trouver un stage, une alternance, un premier emploi parce que ce but pour beaucoup semble déjà, au vu de notre situation économique actuelle, très difficile à atteindre. Cependant osez encore et encore n’hésitez pas à interpeller vos pairs, à avoir de folles ambitions.

Jeunes étudiants aux idées entrepreneuriales, lancez-vous !

Jeunes adultes de la génération Y, vous êtes nos leviers et mentors de demain, lancez-vous, soyez nos génies d’aujourd’hui, vous avez la foi, vous avez l’audace, vous avez le talent, vous êtes nés à l’ère du digital, vous avez l’information à portée de main, levez-vous et ayez la témérité de vous construire et d’aller chercher, armés de vos godillots, vos premières expériences en vous démarquant !

Certes vous êtes plein de petits poucets dans un monde où trouver le Graal semble de plus en plus périlleux, je vous vois parfois cachés derrière les bancs. Certes vous n’avez pas tous le même tempérament, nous avons tous des douleurs et des trajectoires de vie parfois aisées, d’autres parfois plus inconfortables.

Ceci dit, nous devons tous vivre ou survivre selon nos moyens et nos envies, vous devez écrire les lignes de votre propre conte et pour cela vous devez comprendre que vos plus grosses failles seront demain vos plus grandes forces, il faut les apprivoiser, contempler le chemin parcouru malgré ces faiblesses et se dire que demain nous serons capables d’aller toujours plus haut. Nous n’avons pas les mêmes échelles de valeur, par contre nous avons un même dénominateur commun : « vivre heureux ». Alors soyez fiers de vous et l’on sera fiers de vous, prenez confiance et dépassez vos inhibitions par la hardiesse et plus vous cheminerez au gré de vos écueils et de vos petits et grands succès, plus vous deviendrez quelqu’un.

Conclusion : «  Même la plus petite personne peut changer le cours de l’avenir », Tolkien, Le Seigneur des Anneaux

À l’époque de Charles Perrault, sept lieues étaient la distance entre deux relais de diligence et Louis XIV se servait de ce réseau pour communiquer avec ses armées. Plus tard le Petit Poucet deviendra messager du roi. Son aventure passée, le Petit Poucet retrouve son monde qui n’a pas changé, mais lui est un autre, un homme responsable.

La moralité du Petit Poucet, précise que ce n’est pas parce qu’un enfant est faible et petit qu’il ne fera pas la joie de ceux qui l’entourent et ne se dépassera pas humainement pour protéger et gagner en maturité. Même le plus timoré et chétif d’entre vous peut, à la force de son mental et grâce à une certaine ingéniosité, se dépasser et déplacer des montagnes.

 Nathalie DREAN